Chaque fin de semaine je dirai ce qu’était le rugby auquel, tout jeune, j’ai assisté, tout comme celui que j’ai pratiqué années cinquante et début soixante.
Bien entendu tout commentaire de votre part sera le bienvenu… si le cœur vous en dit !
Fred(dy) FORT… joueur !
Oui, il faut bien le dire, sans avoir peur de parler en arrière-arrière-grand-père, ce temps-là, pour moi, débute en fin de dernière grande guerre – sur le sol français – du vingtième siècle, celle de mes douze ans où nous habitions un quartier excentré de la petite ville d’Orthez, route de Pau.
Route qui était aussi celle du terrain de rugby car l’on ne parlerait véritablement de stade que lorsqu’il aurait pris, à quelque distance de là, allure de modernité avec piste en cendrée de quatre cents mètres et tribune en béton.
C’est donc dans les tribunes en bois de ce terrain, sur lesquelles il était toutefois interdit de s’agiter pour cause de possible danger, que j’ai assisté à mes premières rencontres, celles de l’US ORTHEZ qui jouait alors à un niveau régional, pour prendre, très provisoirement place quelques années plus tard parmi les soixante-quatre clubs « d’en haut ».
La raison majeure qui serait donnée à ce nombre particulièrement élevé de clubs en « haut niveau », et perdurerait encore quelques années, est qu’il fallait éviter de réunir les meilleurs joueurs en un petit nombre de clubs et donc d’éloigner toute approche et tentation de professionnalisme. ll faut aussi ajouter qu’il fallait regagner l’estime de Messieurs les Anglais qui nous avaient exclus début des années trente, de toute rencontre internationale, suspectant, de notre part, un certain non-respect d’amateurisme… intégral ! Bien que les mauvaises langues aient soupçonné nos adversaires majeurs – et de toujours – de discerner plus aisément la paille dans l’œil de leurs voisins que la poutre dans le leur, il faudrait bien se plier quelques années à la règle édictée par les « inventeurs » du jeu de rugby dès 1823.
ÉLÈVE !
La rencontre se jouait immanquablement, comme sur tous les terrains de France, le dimanche à quinze heures mais nous quittions, mon père et moi, la maison suffisamment tôt pour être assurés de ne pas manquer celle jouée en lever de rideau, celle des équipes « réserves » des deux clubs en présence quatre-vingt minutes plus tard.
Bien que les tribunes aient été réservées aux spectateurs payants, essentiellement masculins en dehors des épouses des joueurs et de quelques membres féminins de leur famille, nous nous débrouillions à trois ou quatre pour nous y faufiler et assister au mieux à la rencontre.
En compagnie de mes camarades, je crois que nous y avons toujours suivi attentivement le jeu, jeu qui était tout de même bien plus facile à comprendre que celui proposé aujourd’hui d’autant que la vitesse n’était pas spécialement la reine des champs de bataille. Au point que le soir, lorsque mon père orientait la conversation vers les rencontres de l’après-midi je me permettais, avec grande précaution, bien entendu, d’y ajouter « mon grain de sel ».
Sur la pelouse, lorsque le jeu se déroulait aux alentours de la ligne médiane, les critiques lancées à l’adresse de certains joueurs, dont personne, je crois, n’aurait pu certifier les avoir vu réceptionner un ballon de volée sans commettre d’en-avant, déclenchaient autant de paroles de désespoir que d’éclats de rire. Mais ces joueurs, faisant fi de toutes critiques, étaient tout de même présents habillés rouge et noir la semaine suivante. Une belle suite dans les idées !
Ces joueurs mal aimés portaient généralement les numéros réservés aux « ailiers » qui, s’ils manquaient assurément de qualités de coordination et donc d’adresse manuelle, en compensation, ballon en mains, filaient autrement plus vite que la majorité de leurs équipiers ou adversaires.
De souvenirs de supporters adverses, je n’aurai garde d’oublier le temps d’hiver et la visite de clubs landais où les dames accompagnatrices, épouses ou amies, jouaient avec adresse du parapluie à chaque critique adressée à l’un de leurs joueurs. Placées debout, juste au-devant de nous, au ras des lignes de touche et alentours de la ligne médiane, nous trouvions qu’elles possédaient cran et courage car les gens d’Orthez n’étaient pas en reste allant jusqu’à l’injure la plus désagréable. Heureusement qu’il se présentait toujours dans ces moments-là quelque dirigeant conciliateur… Comme aujourd’hui lorsque supporters Basques et Béarnais en décousent de la voie – et parfois du geste – lors des rencontres Section Paloise – Aviron Bayonnais !
Quant à l’animosité « Béarnais – Landais » ne provenait-elle tout simplement pas de visiteurs dépeints… hommes des bois !
Si l’ arbitre, de tout temps, et bien plus souvent à tort qu’à raison, n’a pas manqué d’être sifflé, moqué, injurié par un certain public, je n’ai jamais vu l’un d’eux menacé à grands gestes – ou entendu par l’un des trente joueurs. Nous constaterions seulement que la fin de la rencontre était souvent sifflée… au plus près des vestiaires. Ce qui n’a donc jamais été une légende comme nous l’avait confirmé un jour le premier arbitre Orthézien habilité à diriger les grands d’alors, un certain monsieur Georges Lafitte, limonadier.
Comme lui seul, arbitre, décidait, possédant le chronomètre, de la fin de la rencontre il lui était facile d’appliquer le « l’on n’est jamais si bien servi que par soi-même ! ». Règle admise par tous.
Bien que le jeu ait parfois été qualifié de violent je n’ai pas de souvenir de bagarre générale en fin ou cours de rencontre telle que certains anciens affirmaient, de leur temps, l’existence. Celles auxquelles j’ai assisté ont eu lieu bien des années plus tard… Ou revues, avec sourires, il faut bien l’avouer, diffusées sur les écrans d’aujourd’hui.
A suivre…